Mardi 15 septembre
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08:53
Peinture: Jean-François Troy "La déclaration d'amour"
Femme, sitôt que ton regard
Eut transpercé mon existence,
J'ai renié vingt espérances,
J'ai brisé, d'un geste hagard,
Mes dieux, mes amitiés anciennes,
Toutes les lois, toutes les chaînes,
Et du passé fait un brouillard.
J'ai purifié de scories
Mes habitudes et mes goûts ;
J'ai précipité dans l'égout
D'étourdissantes jongleries ;
J'ai vaincu l'effroi de la mort,
Je me suis voulu libre et fort,
Beau comme un prince de féerie.
J'ai franchi les rires narquois,
Subi des faces abhorrées,
Livré mes biens à la curée
Afin de m'approcher de toi.
Devant moi hurlaient les menaces,
J'ai méprisé leurs cris voraces
Et j'ai marché, marché tout droit.
J'ai découvert, pour mon offrande,
Un monde fertile en plaisirs ;
J'ai pesé tes moindres désirs,
Je sais où vont les jeunes bandes,
Je connais théâtres et bals ;
J'ai dans les mains un carnaval,
Dans le coeur, ce que tu demandes.
Pour la rencontre, j'ai prévu
Quand je pourrais quitter l'ouvrage,
La route à suivre, un temps d'orage,
Et jusqu'au perfide impromptu.
J'ai tremblé que point ne te plaisent
Les tapis, les miroirs, les chaises.
J'ai tout préparé, j'ai tout vu.
J'ai mesuré mon art de plaire,
Mes faiblesses et ma fierté,
Les mots, l'accent à leur prêter ;
J'ai calculé d'être sincère,
Triste ou gai, confiant, rêveur.
Je me suis paré de pudeur,
De force et de grâce légère.
Et me voici, prends-moi, je viens
Frémissant, comme au sacrifice,
T'offrir, à toi l'inspiratrice,
Mon être affamé de liens,
Mon être entier qui te réclame.
Donne tes mains, donne ton âme,
Tes yeux, tes lèvres... Je suis tien.
Alphonse Beauregard
Par Noor Delice
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Lundi 14 septembre
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Une Esclave d'Egypte, au teint luisant et noir,
Lui présente, à genoux, l'acier pur du miroir ;
Pour nouer ses cheveux, une Vierge de Grèce
Dans le compas d'Isis unit leur double tresse ;
Sa tunique est livrée aux Femmes de Milet,
Et ses pieds sont lavés dans un vase de lait.
Dans l'ovale d'un marbre aux veines purpurines
L'eau rose la reçoit ; puis les Filles latines,
Sur ses bras indolents versant de doux parfums,
Voilent d'un jour trop vif les rayons importuns,
Et sous les plis épais de la pourpre onctueuse
La lumière descend molle et voluptueuse :
Quelques-unes, brisant des couronnes de fleurs,
D'une hâtive main dispersent leurs couleurs,
Et, les jetant en pluie aux eaux de la fontaine,
De débris embaumés couvrent leur souveraine,
Qui, de ses doigts distraits touchant la lyre d'or,
Pense au jeune Consul, et, rêveuse, s'endort.
Alfred de Vigny
Par Noor Delice
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Dimanche 13 septembre
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Dessin: Edouard Chimot
Je dirai l'innocence en butte à l'imposture,
Et le pouvoir inique, et la vieillesse impure,
L'enfance auguste et sage, et Dieu, dans ses bienfaits,
Qui daigne la choisir pour venger les forfaits.
Ô fille du Très-Haut, organe du génie,
Voix sublime et touchante, immortelle harmonie,
Toi qui fais retentir les saints échos du ciel
D'hymnes que vont chanter, près du trône éternel,
Les jeunes séraphins aux ailes enflammées ;
Toi qui vins sur la terre aux vallons Idumées
Répéter la tendresse et les transports si doux
De la belle d'Égypte et du royal époux ;
Et qui, plus fière, aux bords où la Tamise gronde,
As, depuis, fait entendre et l'enfance du monde,
Et le chaos antique, et les anges pervers,
Et les vagues de feu roulant dans les enfers,
Et des premiers humains les chastes hyménées,
Et les douceurs d'Éden sitôt abandonnées,
Viens ; coule sur ma bouche et descends dans mon coeur.
Mets sur ma langue un peu de ce miel séducteur
Qu'en des vers tout trempés d'une amoureuse ivresse
Versait du sage roi la langue enchanteresse ;
Un peu de ces discours grands, profonds comme toi,
Paroles de délice ou paroles d'effroi
Aux lèvres de Milton incessamment écloses,
Grand aveugle dont l'âme a su voir tant de choses !...
(CHANT I)
André Chénier
Par Noor Delice
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Samedi 12 septembre
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Peinture: Rembrandt "Suzanne au Bain"
De l'époux bien-aimé n'entends-je pas la voix ?
Oui, pareil au chevreuil, le voici, je le vois.
Il reparaît joyeux sur le haut des montagnes,
Bondit sur la colline et passe les campagnes.
O fortifiez-moi ! mêlez des fruits aux fleurs !
Car je languis d'amour et j'ai versé des pleurs.
J'ai cherché dans les nuits, à l'aide de la flamme,
Celui qui fait ma joie et que chérit mon âme.
O ! comment à ma couche est-il donc enlevé !
Je l'ai cherché partout et ne l'ai pas trouvé.
Mon époux est pour moi comme un collier de myrrhe ;
Qu'il dorme sur mon sein, je l'aime et je l'admire.
Il est blanc entre mille et brille le premier ;
Ses cheveux sont pareils aux rameaux du palmier ;
A l'ombre du palmier je me suis reposée,
Et d'un nard précieux ma tête est arrosée.
Je préfère sa bouche aux grappes d'Engaddi,
Qui tempèrent, dans l'or, le soleil de midi.
Qu'à m'entourer d'amour son bras gauche s'apprête,
Et que de sa main droite il soutienne ma tête !
Quand son cœur sur le mien bat dans un doux transport,
Je me meurs, car l'amour est fort comme la mort.
Si mes cheveux sont noirs, moi je suis blanche et belle,
Et jamais à sa voix mon âme n'est rebelle.
Je sais que la sagesse est plus que la beauté,
Je sais que le sourire est plein de vanité,
Je sais la femme forte et veux suivre sa voie !
" Elle a cherché la laine, et le lin, et la soie.
" Ses doigts ingénieux ont travaillé longtemps ;
" Elle partage à tous et l'ouvrage et le temps ;
" Ses fuseaux ont tissu la toile d'Idumée,
" Le passant dans la nuit voit sa lampe allumée.
" Sa main est pleine d'or et s'ouvre à l'indigent ;
" Elle a de la bonté le langage indulgent ;
" Ses fils l'ont dite heureuse et de force douée,
" Ils se sont levés tous, et tous ils l'ont louée.
" Sa bouche sourira lors de son dernier jour. "
Lorsque j'ai dit ces mots, plein d'un nouvel amour,
De ses bras parfumés mon époux m'environne,
Il m'appelle sa sœur, sa gloire et sa couronne.
Alfred De Vigny
Par Noor Delice
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Vendredi 11 septembre
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08:47
Peinture: François Boucher "Hercule
et Omphale"
Un moment suffira pour payer une année ;
Le regret plus longtemps ne peut nourrir mon sort.
Quoi ! L'amour n'a-t-il pas une heure fortunée
Pour celle dont, peut-être, il avance la mort ?
Une heure, une heure, amour ! Une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ! Après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c'est trop d'une heure... un moment ! Un moment !
Vois-tu ces fleurs, amour ? C'est lui qui les envoie,
Brûlantes de son souffle, humides de ses pleurs ;
Sèche-les sur mon sein par un rayon de joie,
Et que je vive assez pour lui rendre ses fleurs !
Une heure, une heure, amour ! Une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ! Après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c'est trop d'une heure... un moment ! Un moment !
Rends-moi le son chéri de cette voix fidèle :
Il m'aime, il souffre, il meurt, et tu peux le guérir !
Que je sente sa main, que je dise : " C'est elle ! "
Qu'il me dise : " Je meurs ! " alors, fais-moi mourir.
Une heure, une heure, amour ! Une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ! Après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c'est trop d'une heure... un moment ! Un moment !
Marceline DESBORDES-VALMORE
Par Noor Delice
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