Poèmes

Lundi 7 septembre 1 07 /09 /Sep 08:09


                                                    Dessin: François Boucher "Sirène couchée sur un Dauphin"
                                                                                              (plus sur François Boucher
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Naples, 1822.
 
Si tu pouvais jamais égaler, ô ma lyre,
Le doux frémissement des ailes du zéphyre
À travers les rameaux,
Ou l'onde qui murmure en caressant ces rives,
Ou le roucoulement des colombes plaintives,
Jouant aux bords des eaux ;
 
Si, comme ce roseau qu'un souffle heureux anime,
Tes cordes exhalaient ce langage sublime,
Divin secret des cieux,
Que, dans le pur séjour où l'esprit seul s'envole,
Les anges amoureux se parlent sans parole,
Comme les yeux aux yeux ;
 
Si de ta douce voix la flexible harmonie,
Caressant doucement une âme épanouie
Au souffle de l'amour,
La berçait mollement sur de vagues images,
Comme le vent du ciel fait flotter les nuages
Dans la pourpre du jour :
 
Tandis que sur les fleurs mon amante sommeille,
Ma voix murmurerait tout bas à son oreille
Des soupirs, des accords,
Aussi purs que l'extase où son regard me plonge,
Aussi doux que le son que nous apporte un songe
Des ineffables bords !
 
Ouvre les yeux, dirais-je, ô ma seule lumière !
Laisse-moi, laisse-moi lire dans ta paupière
Ma vie et ton amour !
Ton regard languissant est plus cher à mon âme
Que le premier rayon de la céleste flamme
Aux yeux privés du jour.


                                                                           Alfred de Musset

Par Noor Delice - Publié dans : Poèmes
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Samedi 5 septembre 6 05 /09 /Sep 08:05

 
                                                                                                   Sylseasun



Permet que je te dévêtisse
Offre moi ce doux privilège
De faire durer ce pur délice
Que pour rien au monde je n'abrège

Sentir sous le tissu tendu
Le désir qui prend de l'ampleur
Mais avant que de te voir nu
Deviner toute ta saveur

Laisser ma paume nonchalamment
Caresser l'intime indécence
Te sentir devenir gourmand
Que j'admire toute sa prestance

Tu n'aspires plus à autre chose
que de me livrer à l'air libre
Sa superbe impudeur éclose
Pour que j'en apprécie la fibre

Je ne me ferai pas prier
Pour l'envelopper de ma main
Et si tu vois mes yeux briller
Occupe toi de mes deux seins

Il te suffit de me frôler
Pour que je palpite corps et âme
D'espièglement me taquiner
Pour que sous tes lèvres je me pâme

Mise à nue voici que frémit
La généreuse jaillissante
A sa vue tout mon corps gémit
D'envies coquines et frétillantes

Lâchant le frein de mes ardeurs
Tandis que mes sens tu affoles
Je passe la vitesse supérieure
De mon désir qui caracole

Je lisse ce grand bois chéri
De haut en bas de bas en haut
Lustré choyé et tout ravi
Qu'on prenne soin de le faire beau

Le coquin se fait audacieux
Et s'aventure entre mes lèvres
Je sens son élan impérieux
M'envahir d'une douce fièvre

Ma langue autour de lui s'enroule
Alors qu'il sonde mes profondeurs
Et que la tiédeur de deux boules
La pulpe de ma peau effleure

Puis subtilement tu t'introduis
Dans un incandescent fourreau
Je ne peux retenir un cri
Sous la fougue de tes assauts

Je me cambre gémis supplie
Sous tes ravageuses poussées
Différant cet instant béni
Qui aux cieux va me transporter

Soudain tout geste tu suspends
Lové au plus profond de moi
Sans pudeur j'explose et je fend
Le silence de tous mes émois

Jouissant de me voir succomber
Tu reprends ta danse sauvage
Puis tour à tour plus raffinée
C'est comme un enivrant voyage

Propulsée aux plus hauts sommets
Par de prodigieux coups de maître
Je te chevauche usant du fouet
Des mots brûlants que je te prête

Je sens ma monture s'emballer
Et un désir presque furieux
D'encore plus profond m'empaler
Sur ce somptueux totem en feu

J'égare les rennes je perd le nord
Et toute notion de mesure
Voici que bat tempête à bord
Mais le mas garde fière allure

Je sens jaillir l'apothéose
Mettant à vif l'indomptable
Qui soudain à l'air libre explose
D'un sublime bouquet final

Par Noor Delice - Publié dans : Poèmes
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Vendredi 4 septembre 5 04 /09 /Sep 08:08

                                                                                                      Peinture: Antônio Parreiras "Dolorida"


Est-ce la Volupté qui, pour ses doux mystères,
Furtive, a rallumé ces lampes solitaires ?
La gaze et le cristal sont leur pâle prison.
Aux souffles purs d'un soir de l'ardente saison
S'ouvre sur le balcon la moresque fenêtre ;
Une aurore imprévue à minuit semble naître,
Quand la lune apparaît, quand ses gerbes d'argent
Font pâlir les lueurs du feu rose et changeant ;
Les deux clartés à l'oeil offrent partout leurs pièges,
Caressent mollement le velours bleu des sièges,
La soyeuse ottomane où le livre est encor,
La pendule mobile entre deux vases d'or,
La Madone d'argent, sous des roses cachée,
Et sur un lit d'azur une beauté couchée.
 
Oh ! jamais dans Madrid un noble cavalier
Ne verra tant de grâce à plus d'art s'allier ;
Jamais pour plus d'attraits, lorsque la nuit commence,
N'a frémi la guitare et langui la romance ;
Jamais, dans nulle église, on ne vit plus beaux yeux
Des grains du chapelet se tourner vers les cieux ;
Sur les mille degrés du vaste amphithéâtre
On n'admira jamais plus belles mains d'albâtre,
Sous la mantille noire et ses paillettes d'or,
Applaudissant, de loin, l'adroit Toréador.
 
Mais, ô vous qu'en secret nulle oeillade attentive
Dans ses rayons brillants ne chercha pour captive,
Jeune foule d'amants, Espagnols à l'oeil noir,
Si sous la perle et l'or vous l'adoriez le soir,
Qui de vous ne voudrait (dût la dague andalouse
Le frapper au retour de sa pointe jalouse)
Prosterner ses baisers sur ces pieds découverts,
Ce col, ce sein d'albâtre, à l'air nocturne ouverts,
Et ces longs cheveux noirs tombant sur son épaule,
Comme tombe à ses pieds le vêtement du saule ?
 
Dolorida n'a plus que ce voile incertain,
Le premier que revêt le pudique matin
Et le dernier rempart que, dans sa nuit folâtre,
L'amour ose enlever d'une main idolâtre.
Ses bras nus à sa tête offrent un mol appui,
Mais ses yeux sont ouverts, et bien du temps a fui
Depuis que, sur l'émail, dans ses douze demeures,
Ils suivent ce compas qui tourne avec les heures.
Que fait-il donc, celui que sa douleur attend ?
Sans doute il n'aime pas, celui qu'elle aime tant.
A peine chaque jour l'épouse délaissée
Voit un baiser distrait sur sa lèvre empressée
Tomber seul, sans l'amour ; son amour cependant
S'accroît par les dédains et souffre plus ardent.
 
Près d'un constant époux, peut-être, ô jeune femme !
Quelque infidèle espoir eût égaré ton âme ;
Car l'amour d'une femme est semblable à l'enfant
Qui, las de ses jouets, les brise triomphant,
Foule d'un pied volage une rose immobile,
Et suit l'insecte ailé qui fuit sa main débile.
 
Pourquoi Dolorida seule en ce grand palais,
Où l'on n'entend, ce soir, ni le pied des valets,
Ni, dans la galerie et les corridors tristes,
Les enfantines voix des vives caméristes ?
 
Trois heures cependant ont lentement sonné ;
La voix du temps est triste au coeur abandonné ;
Ses coups y réveillaient la douleur de l'absence,
Et la lampe luttait ; sa flamme sans puissance
Décroissait inégale, et semblait un mourant
Qui sur la vie encor jette un regard errant.
A ses yeux fatigués tout se montre plus sombre,
Le crucifix penché semble agiter son ombre ;
Un grand froid la saisit, mais les fortes douleurs
Ignorent les sanglots, les soupirs et les pleurs :
Elle reste immobile, et, sous un air paisible
Mord, d'une dent jalouse, une main insensible.
 
Que le silence est long ! Mais on entend des pas ;
La porte s'ouvre, il entre : elle ne tremble pas !
Elle ne tremble pas, à sa pâle figure
Qui de quelque malheur semble traîner l'augure ;
Elle voit sans effroi son jeune époux, si beau,
Marcher jusqu'à son lit comme on marche au tombeau.
Sous les plis du manteau se courbe sa faiblesse ;
Même sa longue épée est un poids qui le blesse.
Tombé sur ses genoux, il parle à demi-voix :
 
" - Je viens te dire adieu ; je me meurs, tu le vois,
Dolorida, je meurs ! une flamme inconnue,
Errante, est de mon sang jusqu'au coeur parvenue.
Mes pieds sont froids et lourds, mon oeil est obscurci ;
Je suis tombé trois fois en revenant ici.
Mais je voulais te voir ; mais, quand l'ardente fièvre
Par des frissons brûlants a fait trembler ma lèvre,
J'ai dit : Je vais mourir ; que la fin de mes jours
Lui fasse au moins savoir qu'absent j'aimais toujours.
Alors je suis partis ne demandant qu'une heure
Et qu'un peu de soutien pour trouver ta demeure.
Je me sens plus vivant à genoux devant toi.
 
- Pourquoi mourir ici, quand vous viviez sans moi ?
 
- Ô coeur inexorable ! oui, tu fus offensée !
Mais écoute mon souffle, et sens ma main glacée ;
Viens toucher sur mon front cette froide sueur,
Du trépas dans mes yeux vois la terne lueur ;
Donne, oh ! donne une main ; dis mon nom. Fais entendre
Quelque mot consolant, s'il ne peut être tendre.
Des jours qui m'étaient dus je n'ai pas la moitié :
Laisse en aller mon âme en rêvant ta pitié !
Hélas ! devant la mort montre un peu d'indulgence !
 
- La mort n'est que la mort et n'est pas la vengeance.
 
- Ô Dieux ! si jeune encor ! tout son coeur endurci !
Qu'il t'a fallu souffrir pour devenir ainsi !
Tout mon crime est empreint au fond de ton langage,
Faible amie, et ta force horrible est mon ouvrage.
Mais viens, écoute-moi, viens, je mérite et veux
Que ton âme apaisée entende mes aveux.
Je jure, et tu le vois, en expirant, ma bouche
Jure devant ce Christ qui domine ta couche,
Et si par leur faiblesse ils n'étaient pas liés,
Je lèverais mes bras jusqu'au sang de ses pieds ;
Je jure que jamais mon amour égarée
N'oublia loin de toi ton image adorée ;
L'infidélité même était pleine de toi,
Je te voyais partout entre ma faute et moi,
Et sur un autre coeur mon coeur rêvait tes charmes
Plus touchants par mon crime et plus beaux par tes larmes.
Séduit par ces plaisirs qui durent peu de temps !
Je fus bien criminel ; mais, hélas ! j'ai vingt ans.
 
- T'a-t-elle vu pâlir ce soir dans tes souffrances ?
 
- J'ai vu son désespoir passer tes espérances,
Oui, sois heureuse, elle a sa part dans nos douleurs ;
Quand j'ai crié ton nom, elle a versé des pleurs ;
Car je ne sais quel mal circule dans mes veines ;
Mais je t'invoquais seule avec des plaintes vaines.
J'ai cru d'abord mourir et n'avoir pas le temps
D'appeler ton pardon sur mes derniers instants.
Oh ! parle ; mon coeur fuit ; quitte ce dur langage ;
Qu'un regard... Mais quel est ce blanchâtre breuvage
Que tu bois à longs traits et d'un air insensé ?
 
- Le reste du poison qu'hier je t'ai versé. " 
 


                                                                                      Alfred de Vigny

Par Noor Delice - Publié dans : Poèmes
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Vendredi 4 septembre 5 04 /09 /Sep 08:02




Le temps efface tout comme effacent les vagues
Les travaux des enfants sur le sable aplani
Nous oublierons ces mots si précis et si vagues
Derrière qui chacun nous sentions l'infini.
 
Le temps efface tout il n'éteint pas les yeux
Qu'ils soient d'opale ou d'étoile ou d'eau claire
Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire
Ils brûleront pour nous d'un feu triste ou joyeux.
 
Les uns joyaux volés de leur écrin vivant
Jetteront dans mon coeur leurs durs reflets de pierre
Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière
Ils luisaient d'un éclat précieux et décevant.
 
D'autres doux feux ravis encor par Prométhée
Étincelle d'amour qui brillait dans leurs yeux
Pour notre cher tourment nous l'avons emportée
Clartés trop pures ou bijoux trop précieux.
 
Constellez à jamais le ciel de ma mémoire
Inextinguibles yeux de celles que j'aimai
Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires
Mon coeur sera brillant comme une nuit de Mai.
 
L'oubli comme une brume efface les visages
Les gestes adorés au divin autrefois,
Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages
Charmes d'égarement et symboles de foi.
 
Le temps efface tout l'intimité des soirs
Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige
Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège
Le printemps secouant sur nous ses encensoirs.
 
D'autres, les yeux pourtant d'une joyeuse femme,
Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs
Épouvante des nuits et mystère des soirs
Entre ces cils charmants tenait toute son âme
 
Et son coeur était vain comme un regard joyeux.
D'autres comme la mer si changeante et si douce
Nous égaraient vers l'âme enfouie en ses yeux
Comme en ces soirs marins où l'inconnu nous pousse.
 
Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes
Le désir gonflait nos voiles si rapiécées
Nous partions oublieux des tempêtes passées
Sur les regards à la découverte des âmes.
 
Tant de regards divers, les âmes si pareilles
Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus
Nous aurions dû rester à dormir sous la treille
Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su
 
Pour avoir dans le coeur ces yeux pleins de promesses
Comme une mer le soir rêveuse de soleil
Vous avez accompli d'inutiles prouesses
Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil,
 
Se lamentait d'extase au-delà des eaux vraies
Sous l'arche sainte d'un nuage cru prophète
Mais il est doux d'avoir pour un rêve ces plaies
Et votre souvenir brille comme une fête.


                                                                      Marcel Proust

Par Noor Delice - Publié dans : Poèmes
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Dimanche 30 août 7 30 /08 /Août 09:26

                                                                Photo: Dave Swanson

L’amour me prête encor ses armes :
Mais ce Dieu m’a fait éprouver,
Qu’un premier triomphe a des charmes
Qui ne peuvent se retrouver.

La première fois que Lisette
Vint frapper mes yeux innocents,
Mon cœur sortit de sa cachette,
Et je sentis naître mes sens.

La première fois que Lisette
Me laissa toucher deux tétons,
Dont une ardeur douce et secrète
Agitait les petits boutons,
Je m’écriai dans mon ivresse :
« Heureux corset de ma maîtresse,
Arrête ce sein qui veut fuir,
Il est vrai que ma main le presse,
Mais elle voudrait le couvrir. »

La première fois que Lisette
Me dit d’être plus hasardeux,
Mes mains dessous sa chemisette,
Regrettaient de n’être que deux ;

Et lorsque la plus vagabonde
Eut trouvé deux globes par là,
Je n’aurais pas lâché cela
Pour découvrir le nouveau monde.

En un mot, la première fois
Que Lisette combla ma flamme,
Je sentis jusqu’au bout des doigts

Son âme s’unir à mon âme...
Ici mon pinceau reste court.
Tous les auteurs jusqu’à ce jour
Ont parlé du prix de Cythère :
Le moyen de peindre l’amour !
On ne saurait plus que le faire
 
                                                                       poème libre de1792

Par Noor Delice - Publié dans : Poèmes
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